Belle et Sébastien

Belle et Sébastien

Séquence nostalgie : le retour de Belle et Sébastien

Le 05/12/2013

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Sébastien, c’est Félix Bossuet, 8 ans. Il a été choisi parmi 2 400 candidats. Belle, patou de 3 ans, 65 kilos. Trois chiens se partagent le rôle. Sortie le 18 décembre. © Eric Travers

48 ans après le mythique feuilleton télé,  Nicolas Vanier, le héros  du Grand Nord, les fait revivre au cinéma.

Clap de fin à 3 800 mètres ­d’altitude. Dans l’étendue blanche, ce jour d’hiver 2013, il fait signe au régisseur qu’il ne montera pas dans l’hélicoptère. Ce soir, Nicolas ­Vanier prend son temps. Il vient de boucler un tournage dans un cadre splendide, au bord de ­crevasses recouvertes de neige, avec un vent glacial. L’héritier de Jack London est rompu aux conditions ­extrêmes. Cette fois, ce n’est pas l’exploit qui fait battre son cœur mais l’émotion. Celle qu’il ressent au moment de dire au revoir à Félix Bossuet, ce Parisien de 8 ans qui a su revêtir les habits de Sébastien. Le voici qui approche. « Il est venu se blottir contre moi, se souvient Nicolas Vanier, les larmes aux yeux. Les mots étaient inutiles, on profitait juste de ces derniers instants. Mon petit soleil taiseux… Si notre rapport n’avait pas été sincère, ce film aurait été impossible. De toute façon, je ne sais pas faire semblant et Félix non plus. » Pour que le garçon comprenne ses directives, Nicolas lui parlait à hauteur d’enfant ou à quatre pattes, mimant Belle. Il fallait cette humilité pour toucher au patrimoine des Français, qui voyaient en Mehdi un fils, un béguin, un frère.

Paris Match. Cette adaptation était un pari risqué. Quels sont les retours des avant-premières en province et à Paris ? 
Nicolas Vanier. Ils sont excellents, c’est fantastique. Si j’avais mesuré l’importance de l’œuvre de Cécile Aubry dans notre mémoire collective, je ne sais pas si j’aurais osé m’y attaquer. Tant de gens me disent : “C’est mon enfance !” ou entonnent, près de cinquante ans après, la chanson de “Belle et Sébastien” et connaissent par cœur “L’oiseau”, le générique de “Sébastien parmi les hommes”. Plaire à ces millions d’inconditionnels était un grand défi. Sur Internet, certains écrivent : “Jamais aucun film ne pourra être à la hauteur de mes souvenirs.” Mais d’autres leur répondent : “Moi aussi j’étais réticent, mais je l’ai vu, allez-y, bouffées d’émotion garanties !” Ils ne peuvent pas me faire plus plaisir. Et, surtout, c’était primordial, Mehdi a fini par être convaincu par ce projet.

Comment avez-vous déterminé les fondamentaux à respecter ?
Je me suis installé chez moi, en ­Sologne, seul, en septembre 2011, devant les DVD de la série originale. Je la ­revoyais pour la première fois et j’ai regardé tous les épisodes à la suite. J’ai pris des notes : “proportions enfant-chien”, “personnages et lieux indispensables”, etc.

Il vous fallait cuisiner une nouvelle recette sans commettre d’impair…
Je voulais conserver quelque chose de très fort, imprimé dans notre inconscient collectif : la liberté de ce gamin. Il part en montagne, été comme hiver, avec sa petite ­besace, et on le laisse faire. La liberté avec un grand L. Elle a d’autant plus d’impact aujourd’hui où on interdit tout aux enfants au nom de la sécurité.

Vous souvenez-vous de ces dimanches devant le poste de télévision à attendre 19 h 30 que “Belle et Sébastien” commence ?
J’étais chez mon grand-père, en ­Sologne. Il habitait une petite pièce juste à côté de l’entrée de la maison, pour pouvoir sortir et entrer à sa guise. Je m’asseyais contre son lit et nous allumions l’unique chaîne de télé en noir et blanc. C’était moderne : il avait une télécommande à fil ! Il s’amusait à couper aux ­moments les plus fascinants. J’avais 4 ans, les images me touchaient en plein cœur. Toute la journée, avec Brave, le labrador noir de mon grand-père, j’étais dans les champs ou dans la forêt, au bord des étangs. A côté des grosses bottes de mon grand-père, il y avait les miennes, toutes petites. Le vieux Jean était la copie conforme de César : un mec avec de grosses mains, originaire des Vosges où l’on préfère agir plutôt que discuter. Fils de paysan, il est devenu chirurgien contre la volonté de son père. Mais il a souhaité revenir à la terre. J’ai grandi chez lui.

« TANT DE GENS CONNAISSENT ENCORE PAR CŒUR LES PAROLES DU GÉNÉRIQUE »

Vous ne viviez pas avec vos parents ?
L’un de mes petits frères a eu un cancer. Pendant près d’un an, j’ai été élevé par mes grands-parents. Mes parents se sont rendu compte que mes résultats ­scolaires étaient inversement proportionnels au temps que je passais en région parisienne. J’ai fait un lycée agricole à côté de la ferme solognote que j’habite ­aujourd’hui.

Que vous apprenait votre grand-père ?
Les champignons et les baies ­comestibles, les arbres qu’il faut couper… Parfois, il chassait un canard ou un lièvre qu’on mangeait. Dès l’aurore, il partait voir ses bêtes et son blé – j’ai d’ailleurs gardé ça de lui : je ne peux pas me lever après le soleil. La nature n’était pas un objet de contemplation mais un lieu avec lequel on échangeait. 
Dans ce film, vous avez voulu le maximum de réalisme. C’est saisissant dans la scène qui oppose Belle à une meute de loups. L’une des plus difficiles à tourner. D’abord, les loups sont peureux. Or, nous les voulions agressifs. Ensuite, ce patou domestique n’avait jamais été mis en contact avec des loups. Mais à la seconde où il les a vus près des moutons, son ­instinct s’est manifesté : il a fallu l’attacher. C’était fascinant.

Vous, le musher de l’extrême, avez vécu des moments uniques avec vos chiens…
Il y a eu Oumiak, cette petite chienne asociale, intelligente, que j’ai vue hésiter un jour entre ma compagnie et celle des loups. Elle a finalement préféré la sécurité de notre meute. Et puis il y a eu Voulk. Un jour, au Canada, la glace cède sous mon poids. Mes dix chiens en réchappent. Deux minutes avant l’hypothermie, j’appelle Voulk au secours. Il a peur, mais il s’approche, tout doucement, avec le traîneau, j’attrape le trait… Sauvé ou presque : il faut encore allumer un feu. J’ai toujours sur moi deux sacs étanches contenant bougie, grattoir et allumettes. Des bêtes exceptionnelles comme Voulk, j’en ai eu deux dans ma vie : lui et ­Otchum, mon premier chien de traîneau.

" AUJOURD’HUI, JE TRANSMETS MON “VIRUS” À CÔME, LE PLUS MORDU DE MES TROIS ENFANTS"

Etiez-vous solitaire, comme Sébastien ?
J’avais quelques copains, mais personne avec qui partager mes rêves de Grand Nord. A 12 ou 13 ans, quand tu dis aux copains : “Je veux traverser l’Alaska en traîneau à chiens” et que tu vois leur réaction, tu finis par te taire. J’avais l’impression d’avoir une maladie et je priais pour en guérir vite !

Tous les itinéraires de vos expéditions passent par des montagnes, des confins orientaux de la Russie aux Rocheuses. Ici, vous revenez à celles de votre enfance.
Plus je voyage et plus je pense que la France est le plus beau pays au monde. Je voulais que les Alpes soient un acteur principal, avec leurs trois couleurs au fil de l’année – vert, jaune, blanc. Nous avons tourné en haute Maurienne et dans la Vanoise, à l’exception du ­pré-générique, filmé dans le Vercors, et de la fin, sur le glacier d’Argentière, à Chamonix.

Qu’avez-vous ressenti en découvrant “votre” Sébastien ?
Quand je l’ai vu avec le grand chien blanc et qu’ils se sont regardés, j’ai eu les frissons d’autrefois. J’étais comme lui, un sauvageon – et ça ne s’est pas amélioré. Maintenant que je suis père, je mesure combien cela a dû être dur pour mes ­parents de m’entendre dire, à 18 ans : “Je pars deux mois au Canada, je vous ­appelle en revenant !” Aujourd’hui, je transmets mon “virus” à Côme, 10 ans, le plus mordu de mes trois enfants. Il s’est entraîné dans le Vercors pendant un an et me rejoindra en Sibérie, en mars. Mais je n’ai pas spécialement envie que lui ou ses frère et sœur reprennent le flambeau, ils sont libres.

Comment avez-vous su que vous aviez trouvé le bon successeur à Mehdi ?
J’ai “casté” des petits montagnards, mais c’est à Paris que je l’ai trouvé. Lui, le farouche, avait cette petite fragilité et en même temps cette force. Un feeling inné avec les chiens. Si le film est un ­succès, ça sera un peu grâce aux comédiens formidables – Tchéky Karyo, la belle Margaux Chatelier –, au réalisateur, s’il a été bien inspiré, mais c’est Félix qui le porte. Ce film, je l’ai fait à 200 %. J’ai tout mis dedans. Je viens d’ailleurs de ­refuser d’en réaliser la suite.

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Belle et Sébastien (2013) Interview Nicolas Vanier

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