Belle et Sébastien

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Tchéky Karyo : « J’ai été élevé dans le respect de mes racines »

Le 14/12/2015 à 00:00

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Par Robert Sender Le 14/12/2015 à 15h30 Rubrique Culture

À l’occasion de la sortie de « Belle et Sébastien, l’aventure continue » de Christian Duguay, Tchéky Karyo revient avec émotion sur la souffrance de sa famille pendant la Shoah.

Actualité Juive: Présentez-nous votre personnage ?

Tchéky Karyo : César est un berger qui vit dans les montagnes, un personnage taiseux revenu de la guerre de 14 déçu des humains. Il élève Sébastien avec Angelina qui est comme sa nièce. Pour lui l’école ne compte pas, mais l’important est de savoir grandir dans la nature et s’en sortir. Dans ce deuxième opus Angelina de retour de la résistance s’écrase en avion. Sébastien est sûr qu’elle est toujours vivante et veut la retrouver, accompagné de sa chienne Belle.

A.J.: Qu’est-ce qui vous plaît dans cette histoire ?

T.K. : La nature me parle. Il suffit de se laisser porter par les éléments. J’adore aussi jouer avec les enfants. Avec eux, il faut être dans l’instant.

A.J.: Un souvenir particulier du tournage ?

T.K. : Jouer avec le petit, il est très vif. Pour l’anecdote, il me reprenait sur mes dialogues quand j’improvisais.

A.J.: Le film se situe à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Qu’évoque chez vous cette tragédie ?

T.K. : Toute la famille de ma mère a subi la violence du nazisme. Ma mère n’en parlait pas beaucoup, mais c’était très présent. C’est dur pour moi de revenir sur cette période : une partie de la famille déportée, ma mère cachée au-delà de la ligne de démarcation et qui doit souvent s’échapper de familles maltraitantes. [Rattrapé par l’émotion, Tchéky Karyo pleure. Puis poursuit, ndlr] Elle vivait en France. Avec sa famille, ils venaient de Salonique. Ce sont des juifs d’origine espagnole qui à l’époque de l’Inquisition ont été accueillis par l’empire Ottoman. Ces juifs se sont répartis en Grèce, en Turquie, en Hongrie, jusqu’en Russie pour certains, dans l’Italie du sud comme Primo Lévi ou en Bulgarie pour Elias Canetti. On parlait le ladino

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A.J.: Quel est votre rapport au judaïsme ?

T.K. : Spirituel. Même si les rituels sont importants dans le sens où l’on garde un lien avec les racines et avec l’histoire. Mais de la même façon que je n’aime pas les grenouilles de bénitier ou les gens qui se servent de la religion pour tout justifier et oublient quelqu’un à côté d’eux, je suis plutôt ouvert. Il est important que chacun trouve la vérité dans son questionnement secret avec la création. Mon père me disait un truc incroyable : « T’es juif, faut pas avoir honte, mais faut pas le crier sur les toits. » C’est-à-dire ce sont tes racines, mais en tant qu’humain tu n’as pas besoin de le dire à tout le monde pour avoir des rapports avec chacun. Mon judaïsme me permet de trier le bon grain de l’ivraie d’où qu’il vienne. D’un autre côté dans le judaïsme, on a l’étude qui, si elle est menée est sans doute extraordinaire.

A.J.: Votre lien au judaïsme passe aussi par le judéo-espagnol ?

T.K. : Bien sûr. Mes parents parlaient le castillan pour ne pas qu’on comprenne. Ma grand-mère s’adressait toujours à moi en espagnol. Je suis lié à cette culture à tel point que quand j’ai appris qu’un gouvernement espagnol avait déclaré que tous les juifs ayant quitté l’Espagne pouvaient prendre la nationalité, j’ai trouvé cela génial. Dans ce pays, je me sens à la maison.

A.J.: Que transmettez-vous à vos enfants de votre part juive ?

T.K. : Je ne suis pas très impliqué. Ma fille qui a une quarantaine d’années  est plus dans la pratique car élevée par sa mère juive tunisienne, donc beaucoup plus dans la tradition que moi. La transmission par la nourriture compte aussi, mais ma mère ne cuisinait pas. Ma tante, rescapée d’Auschwitz qui a brûlé son numéro sur le bras était très attachée aux racines comme mon père. Dans ma famille en Turquie, ils faisaient shabbat et les fêtes. Une fois en France, mon père ne pratiquait pas, il ne faisait que Kippour. Mais cela ne nous empêchait pas avec ma mère de penser à Roch Hachana, Soukkot, Pessah quand c’était le moment. Nous vivions en France, mais mon père m’a emmené faire ma bar mitzva en Turquie d’où nous venions. J’ai été élevé dans le respect de mes racines juives, mais pas dans l’obligation de la pratique. 

 

En salles : « Belle et Sébastien, l’aventure continue » de Christian Duguay avec Tchéky Karyo, Félix Bossuet, Thierry Neuvic, Margaux Chatelier 

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