Belle et Sébastien

Belle et Sébastien

Andrew Simpson: un dresseur à l’instinct animal

Le 16/12/2015 à 00:00

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Par Didier Dana - 16.12.2015 06:00

Andrew Simpson a passé trois ans avec 16 loups pour les besoins du film de Jean-Jacques Annaud. Il a noué avec eux une véritable complicité.

"C'était pour les besoins d'un film allemand que nous avions tourné au Canada et qui s'intitule "In the Valley of the Roses". L'ours était un kodiak de 700 kilos baptisé Whopper.

Garfield, l'un des trois chiens de race de montagne des Pyrénées et interprètes de Belle, est suspendu dans les airs, sous le regard vigilant d'Andrew Simpson, dans le pemier épisode de "Belle et Sébastien"

C'est l'une des scènes terrifiantes du film. Belle tente de faire fuir un ours en pleine forêt. La femelle, ci-dessus à droite, dirigée par Andrew Simpson se prénomme Julia. Pour ettre l'équipe à l'abri - le jeune Félix Bossuet et Thierry Neuvic - une clôture électrifiée a été dressée. Le réalisme de l'attaque, comme les scènes d'incendie, plus tard, sont impressionants.

A droite, le loup vedette, Cloudy, et le dresseur lors de la scène de l'attaque des chevaux.

Après «Le dernier loup», film sublime de Jean-Jacques Annaud, un dresseur écossais met son savoir au service de Belle et Sébastien. Il confronte un ours et un chien et brave un incendie de forêt.

Sans lui, le film de Jean-Jacques Annaud, Le dernier loup, n’aurait jamais atteint un tel degré de beauté et de réalisme. En cette fin d’année, Andrew Simpson, dresseur d’animaux hors pair né en Ecosse et basé au Canada, figure au générique de Belle et Sébastien, l’aventure continue, deuxième volet cinématographique des héros inspirés des romans de Cécile Aubry. «J’ai passé un mois en France où j’ai sélectionné parmi 200 chiens les trois stars qui apparaissent dans le film et incarnent Belle», dit Simpson. Il a fallu les familiariser avec Félix Bossuet, 10 ans, Sébastien à l’écran. «Les chiens se sont montrés protecteurs, ils ont accepté l’enfant, l’ont protégé et même surveillé.» Un travail de préparation en amont a été nécessaire afin que l’animal – les trois en l’occurrence – et leur jeune maître puissent se coordonner lors du tournage très physique en France, dans la Haute Maurienne Vanoise, où la chienne intrépide repousse un plantigrade menaçant.
«C’est la première fois que je travaillais avec l’ours Julia. Elle a compris tout ce que nous lui demandions», précise Andrew Simpson, comme s’il évoquait un comédien. Il tient toutefois à garder secrètes les ficelles de cette féroce confrontation. «Avec les animaux sauvages, nous utilisons toujours une barrière électrifiée pour protéger l’équipe», précise-t-il. L’animal peut charger à tout moment, mais ne résiste pas aux sucreries. «Julia adore les marshmallows», indique le dresseur.
Mais la plus grande difficulté a consisté à mener l’action au milieu d’un incendie de forêt. Le réalisateur, Christian Duguay, tenait à ce que les flammes disséminées dans une forêt reconstituée soient réelles et non ajoutées à partir d’effets spéciaux. «Ces séquences ont été difficiles, concède Andrew Simpson. Les animaux fuient naturellement le feu. Nous avons passé des jours afin de les habituer progressivement à courir vers les flammes. Petites d’abord et de plus en plus grandes.»
Les bêtes sont pour lui comme des êtres humains. «Cette passion du dressage est une chose avec laquelle on naît, ce n’est pas quelque chose que l’on apprend», dit-il. Simpson tient compte de leur personnalité.

Des loups, des volatiles et des mouches
«Beaucoup de gens forment leur chien dans le simple but qu’il obéisse. Lorsqu’il s’agit d’interagir avec différentes espèces, vous devez vous fier à vos tripes, à votre instinct. Vous devez accepter le fait que les mêmes règles ne s’appliquent pas à tous les animaux.» Le contraire de ce que fait parfois un maître avec ses élèves. «Certains profs leur demandent de penser de la même façon. Alors que d’autres vont enseigner à chacun en fonction de ses aptitudes.» Andrew Simpson a travaillé aussi bien avec des volatiles, comme dans Nicostratos le pélican, que des insectes. «J’ai passé des nuits entières avec des mouches censées se poser sur des cadavres pour les besoins de la série X-Files!
Le plus grand danger, c’est que vous ne savez jamais comment l’animal a été traité avant. Ce qui l’effraie, ce qui le fâche… C’est pour cela que je ne travaille qu’avec des entreprises qui utilisent les mêmes méthodes que les miennes.»
Sa plus grande réussite, et sa fierté, reste le film de Jean-Jacques Annaud pour lequel il parle d’imprégnation, non plus de dressage. «Les 16 loups n’avaient que quelques jours lorsque je les ai recueillis. Nous avons décidé de ne pas en toucher certains afin de préserver leur naturel sauvage. C’était terriblement difficile. J’ai passé trois ans en Chine sur ce projet. Je les ai élevés avant de pouvoir les dresser. Il fallait tisser un lien affectif entre nous. Seule façon d’obtenir la qualité de jeu nécessaire une fois devant la caméra.» Et de maîtriser l’animal, loin des clichés du loup hollywoodien. «C’est un contrôle fondé sur une relation profonde et pas une exigence qui s’appuierait sur la peur ou la menace.» Une école de patience et de respect.
C’est ce qui a permis à Annaud et à Simpson de mettre en scène une meute de loups chassant un troupeau de chevaux en pleine nuit, sous la neige. Du jamais vu à l’écran.
La poursuite est réglée comme un ballet. Une chorégraphie dans laquelle chaque animal lâché à pleine vitesse, libre de ses mouvements, semble mettre son instinct au service du film. «Le loup est l’animal le plus difficile à dresser, le plus méfiant aussi. Il est d’une grande intelligence», souligne Simpson.
En partant d’un simple script, il a fallu imaginer chaque scène, repérer les difficultés techniques, la distance nécessaire des caméras afin de régler la netteté pour que les loups évoluent dans un champ visuel déterminé. Le résultat est bluffant. On les surprend à exprimer leurs sentiments, on devine leurs intentions derrière leurs expressions.
Andrew Simpson nourrit sa passion pour les animaux depuis l’enfance. «J’ai grandi en Ecosse, dans les Highlands, au milieu de nulle part. Il n’y avait personne alentour. Mon chien est vite devenu mon meilleur ami.» Plus tard, il a souhaité devenir cascadeur et s’est retrouvé en Australie sur le tournage d’Un cri dans la nuit, avec Meryl Streep. L’histoire vraie d’un bébé enlevé par un dingo. «Je secondais le dresseur et je me suis occupé de l’animal pendant trois semaines. J’ignorais que l’on pouvait gagner sa vie en exerçant un job aussi cool.» Il a ensuite fondé Instinct, sa compagnie, et compte plus de 150 films et publicités à son actif. Au fait, jamais attaqué par une bête? «Pas encore! Mais, prévient-il, on ne sait jamais…» 

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