Qui d’autre que Nicolas Vanier, explorateur, passionné du grand blanc, des animaux et des enfants, aurait pu tourner Belle et Sébastien ? On peut effectivement se poser la question et à bien y réfléchir, on ne voit pas d’autre réalisateur, autant en phase avec cette histoire d’amitié entre un petit garçon et ce gros chien blanc. Par chance, c’est donc bien Nicolas Vanier qui s’est attelé à reprendre cette série mythique des années soixante, une histoire où les basiques ont été conservés pour être adaptés à notre époque. Belle et Sébastien, c’est aussi les Alpes vues par la caméra d'un amoureux des grands espaces, un tournage fou d’un an, en respectant les saisons, face à une météo parfois chaotique.
Quel était votre rapport avec la série télévisée Belle et Sébastien ?
Nicolas Vanier : « Enfant, j’avais rendez-vous tous les dimanches soirs avec cet enfant et ce grand chien blanc et je crois que j’en ai pas beaucoup raté. J’étais la victime idéale de cette série étant déjà amoureux des chiens, de la nature, de la montagne, je pense d’ailleurs que ça a eu une certaine importance pour cette vie entièrement consacrée aux chiens et à la montagne. C’est pour cette raison, entre autres, que j’ai été séduit pour cette adaptation au cinéma ».
Aviez-vous le sentiment de vous attaquer à un véritable mythe ?
NV : « Belle et Sébastien, c’est énorme dans la mémoire collective, tout le monde s’en souvient. Ca évoque la nostalgie, la liberté de cet enfant et de ce grand chien. Ca fait partie des éléments que j’ai tenté de retranscrire. J’avais l’ambition de tenter de donner à cette génération qui n’a pas connu la série en noir et blanc de l’époque, la même émotion, le même plaisir qui était le mien et puis pour ceux qui connaissaient de retrouver l’atmosphère, cette nostalgie. J’y ai mis tout l’amour que j’ai pour les chiens, la nature, doublé d’une certaine expérience pour le cinéma. Je pense que j’étais assez bien adapté à cette histoire ».
Nicolas Vanier © C'est pas du cinéma
L’attente publique est-elle énorme, vous vous en êtes rendu compte au cours des avant-premières ?
NV : « Vous savez, on commence par écrire, puis on réalise, c’est un énorme travail, le film est terminé depuis quelques semaines et j’ai l’impression qu’il marche très bien. J’ai commencé à le montrer, après il est difficile de mesurer l’attente du public. On dit toujours est-ce que le film va rencontrer son public, on sait combien c’est compliqué, ce qui m’importe c’est qu’il soit réussi. Je vous avoue que j’essaie de garder une certaine distance par rapport à la réussite ou au succès, d’ailleurs je serai loin le jour de la sortie, ça fait partie des choses que je ne maitrise plus ».
« Je vous avoue que j’essaie de garder une certaine distance par rapport à la réussite ou au succès, d’ailleurs je serai loin le jour de la sortie. »
Attendez-vous un regard particulier des Rhône alpins, de ces gens qui connaissent ou fréquentent la montagne ?
NV : « Je tenais à montrer le film aux gens de la Vanoise et de la Haute-Maurienne, où nous avons tourné. Ce qui m’a fait très plaisir, c’est qu’ils m’ont dit qu’ils étaient extrêmement fiers de voir leurs montagnes aussi belles, aussi bien rendues. On m’a dit que c’était un vrai bijou que je leur donnais, que leurs Alpes étaient habillées de la plus belle des façons. Je tenais à ce qu’elles soient un acteur majeur de ce film, mais je voulais aussi raconter un belle histoire et donc si les deux sont réussis, je suis un réalisateur heureux ».
Comment se sont déterminés les choix des sites de tournage, à savoir la Haute-Maurienne et le Vercors ?
NV : « Comme toujours, ce sont des choix personnels. Quand j’ai commencé à écrire cette histoire j’ai immédiatement pensé à la Haute-Maurienne que j’avais découvert il y a 12 ans, alors que je faisais des repérages pour La grande odyssée. Lorsque je suis arrivé dans cette région que je ne connaissais pas et que j’ai vu ces villages de Bonneval-sur-Arc, de l'Avérole, je suis tombé en amour de ces maisons de pierres et de lauses, pour cet endroit préservé de la folie immobilière qui a gagné certaines vallées des Alpes. Ensuite pour le pré-générique, qui a effectivement été tourné dans le Vercors, c’est un paysage qui se trouve à 2 km d’un camp où se trouvent mes chiens. A force de voyager dans les Alpes, je pense pouvoir dire que le choix était pertinent, c’est vraiment une région extraordinaire qui se prêtait particulièrement à ce film, je voulais que la couleur soit assez traditionnelle ».
Félix Bossuet dans Belle et Sébastien. © Eric Travers
Vous avez décidé de tourner sur une année, en respectant la chronologie des saisons.
NV : « Je voulais montrer que la montagne, c’est autre chose que des stations de ski en hiver. La montagne ce sont deux autres périodes extraordinaires, je suis d’ailleurs frappé que se soit totalement vide l’automne alors que c’est la plus belle des saisons. Je voulais montrer le blanc de l’hiver, le vert de l’été, le jaune de l’automne, de manière à ce que l’on voit ces montagnes sur leurs plus belles parures et c’est pourquoi j’ai imposé ce choix difficile et risqué de tourner sur une année entière. La météo n’a pas été tendre elle a été même chaotique avec nous, je crois que l’on peut dire sans se tromper, que c’était l’année la plus dure des ces 2 ou 3 dernières décennies. Pour les techniciens c’était évidement compliqué mais en même temps il n’y a rien de plus moche qu’un grand ciel bleu, alors qu’un ciel chargé de nuages, chaotiques, avec ces faisceaux de lumières traversant, qui viennent allumer les couleurs de l’automne, c’est féérique et à l’image c’est merveilleux ».
La série Belle et Sébastien date des années soixante, il vous a fallu totalement repenser l’histoire et l’adapter ?
NV : « Il y a dans le film uniquement les fondamentaux de la série, les personnages, le chien et la montagne, ensuite nous nous sommes totalement détachés de la série qui avait été écrite pour l’époque. Nous nous sommes attelés à écrire une histoire moderne, adaptée au cinéma, tout en essayant de conserver l’esprit de l’époque, ça faisait partie des composantes de cette écriture à la fois difficile et passionnante ».
« C’est vrai qu’à regarder ce film, il était sur mesure, je crois que si aujourd’hui j’étais spectateur, je serai frustré et je me dirais tiens, qu’est-ce que j’aurai aimé faire ce film. »
Belle et Sébastien, c’est bien évidemment ce couple que forme ce chien et ce petit garçon, vous avez du composer un vrai duo.
NV : « Indépendamment l’un de l’autre, il faut déjà choisir un petit garçon qui soit aussi exceptionnel que Medhi à l’époque, ça a été un gros et long travail. Idem pour le chien. Il faut ensuite qu’il y ait une sorte de relation fusionnelle et complice, qui se fait avec un peu de temps et de travail, mais qui était essentiel parce que Belle et Sébastien, c’est le couple. Il n’était pas question d’user d’artifices pour créer cette relation, ça n’aurait pas marché et ce n’est pas la marque de fabrique de mes films. Je crois que ce qui fonctionne, c’est ce traitement naturel du froid, de la neige de ces conditions vraies et saines de l’enfant et du chien ».
Tournage de Belle et Sébastien, en plein coeur des Alpes
On a l’impression que cette histoire d’enfant, d’animaux et de montagne, n’attendait que vous ?
NV : « C’est vrai qu’à regarder ce film, il était sur mesure, je crois que si aujourd’hui j’étais spectateur, je serai frustré et je me dirais tiens, qu’est-ce que j’aurai aimé faire ce film. Même si c’est un monument je me suis attelé à cette histoire, j’ai donné 150% de ce que j’ai en moi, de l’amour des enfants, des chiens, de la montagne ».
On vous sent tellement enthousiaste que l’on pourrait déjà vous poser la question de faire une suite à Belle et Sébastien ?
NV : « Je ne parle pas encore de faire une suite, mais c’est bien évidemment quelque chose à laquelle on pense. L’histoire l’appelle éventuellement, les comédiens l’ont imaginé, moi aussi, mais chaque chose en son temps, le premier n’est pas encore sorti (rires) ».
C OFF : Nicolas Vanier travaille depuis plusieurs années sur un autre projet, l’adaptation de son livre L’or sous la neige. Il nous a confié que « L’écriture du scénario est terminée, maintenant c’est la phase très compliquée du financement, une phase pleine d’incertitudes ». Le réalisateur français tient en tout cas son acteur principal qui n’est autre que Robert Redford « Oui Robert Redford a donné son accord et c’est toujours d’actualité, il y a une volonté commune ».