Nicolas Vanier et Mehdi nous présentent le film !
Le 18/12/2013 à 05:00
A l'occasion de la sortie de "Belle et Sébastien", l'adaptation cinématographique de la touchante série télévisée des années 1960, le metteur en scène Nicolas Vanier et le comédien Mehdi (qui jouait Sébastien dans la série !) ont répondu à nos questions.
Nicolas Vanier, affiche de "Belle et Sébastien", Mehdi © Eric Travers / RADAR FILMS - EPITHÈTE FILMS - GAUMONT - M6 FILMS - RHÔNE-ALPES CINEMA
AlloCiné : A l’origine, c’est Gaumont, le producteur, qui vous a sollicité pour réaliser ce film. Pourquoi avoir accepté le projet ?
Nicolas Vanier : Qu’est-ce qu’on pouvait imaginer de mieux pour un amoureux du cinéma, des chiens, de la montagne, de la neige, qu’un film pareil. Belle et Sébastien, c’est un véritable cadeau que la vie m’a fait. Un double cadeau même. Le premier lorsqu’enfant, je suivais comme des millions de téléspectateurs, la série. J’en ai été une victime. Outre mon amour pour l’univers de la montagne, j’étais déjà épris de liberté, cette liberté qui émanait de ce petit garçon et de ce chien lâché dans ces paysages blancs. Et aujourd’hui, le second avec ce film.
Vous vous êtes retrouvé face à l’un de vos idoles en la personne de Medhi, qui incarnait le petit Sébastien dans la série originelle et qui, ici, incarne un forestier. En tant que fan, qu’avez-vous ressenti au moment de le diriger ? Ne fut-ce pas déstabilisant ?
Avant tout, je souhaitais que Medhi fasse partie de l’aventure. Je ne suis pas propriétaire de Belle et Sébastien. C’est l’œuvre de sa maman, sa création et depuis le décès de cette dernière, Medhi en est l’héritier. Aussi pour ce film, j’avais besoin de son accréditation, en quelque sorte, besoin de lui parler, de lui expliquer ce que j’ambitionnais de faire, le rassurer sur le fait que je voulais que l’atmosphère, le parfum du film reste le même. Je lui ai demandé de lire le scénario, ce après quoi, il a accepté le rôle d’André. Petit clin d’œil, c’est lui qui va se faire mordre par le chien et c’est auprès de lui que Sébastien va se renseigner sur cette « bête ».
Félix Bossuet © Eric Travers / RADAR FILMS - EPITHÈTE FILMS - GAUMONT - M6 FILMS - RHÔNE-ALPES CINEMA
"Belle et Sébastien, c’est un véritable cadeau que la vie m’a fait."
Etait-ce essentiel d’écrire une scène commune à Medhi et Félix Bossuet, l’ancien face au nouveau Sébastien ?
Je trouvais ça très joli, très symbolique. La séquence fut très émouvante pour Medhi.
Vous dites avoir voulu être le plus fidèle possible à l’œuvre d’origine. Pourtant, vous avez situé l’histoire au cœur de la Seconde Guerre mondiale, soit une dizaine d’années avant le cadre d’origine dans les années 1960. Pourquoi ce choix ?
D’abord, comme Cécile Aubry, j’aurais pu choisir de placer le récit à l’époque de l’écriture, en 1960 pour elle, en 2010 pour nous, et j’aurais tourné dans une station de ski avec des touristes un peu partout avec des combinaisons fluorescentes qui agressent mon regard et auraient rendu très malheureuses mes caméras. Ça ne me convenait pas. J’avais envie de ces couleurs, de ces textures, de ces parfums, de ces sons des années 1940 qui se marient avec ce village de pierre et de l’eau. De plus, on retrouve cette atmosphère qui rappelle celle de Belle et Sébastien de l’époque. Il y a de la nostalgie dans ce choix esthétique. L’autre raison est liée à la dramaturgie du film. Cela nous a permis de renouer avec cette question de passage. A l’origine, il s’agissait d’une histoire de contrebandier et ici, c’est une affaire de clandestins cherchant à fuir la France occupée. J’ai ainsi pu rendre un hommage à ces très grands résistants qu’étaient les gens de la montagne et dont on ne parle pas ou peu.
Félix Bossuet, Mehdi © Eric Travers / RADAR FILMS - EPITHÈTE FILMS - GAUMONT - M6 FILMS - RHÔNE-ALPES CINEMA
Venons-en au choix de Félix Bossuet. Comment s’est passé son casting ?
Ce qui a contribué au succès phénoménal de la série, c’est le Sébastien que Medhi a créé avec ce regard, cette force qui émanait de lui. Ce n’était donc pas évident de trouver un remplaçant qui conjuguerait cette même présence. Au total, 2 400 enfants ont été auditionnés. Personnellement, j’ai étudié 200 essais avant de retenir une quinzaine de petits garçons que j’ai emmenés avec moi sur les hauts plateaux du Vercors afin de les mettre en contact avec mes chiens de traineau et de voir lesquels possédaient ce feeling avec l’animal. Félix s’est, très rapidement, distingué des autres. Il avait à la fois ce regard fort et fragile. On sentait qu’il avait une vie intérieure très, très intense. Ensuite, tous les enfants que l’on fait jouer à la télévision, au cinéma, au théâtre, ont cette tendance à surjouer, or Félix a tout de suite été dans la subtilité d’un jeu très juste, très naturel. En plus, il a su vivre cette histoire réelle d’amitié avec le chien. C’était extraordinaire.
Quelle relation avez-vous nouée et entretenue avec Félix ?
Très affectueuse. J’ai vraiment beaucoup, beaucoup aimé ce petit garçon et je pense que c’était réciproque. Ce lien était essentiel pour la bonne marche du film car cela me permettait de lui dire beaucoup de choses et inversement. Cette compréhension nous a bien aidés.
La montagne tient un rôle majeur dans votre long-métrage. N’a-t-elle pas valeur de personnage à part entière ?
Tout à fait. La montagne est un personnage central. C’est la toile de fond sur laquelle s’est écrit le film. Je voulais impérativement que nous tournions sur une année entière de façon à voir le vert de l’été, le jaune de l’automne et le blanc de l’hiver, pour montrer toute la féérie des montagnes, ses habitants : les chamois, les bouquetins… C’est un univers que l’on connaît assez mal, finalement et que l’on ne voit que par le prisme des stations de ski en hiver, or la montagne c’est toute autre chose. Je l’aime profondément, j’aime ses paysages et je voulais que ce film en soit aussi un hymne.
"Ce film aurait pu être un cauchemar pour un réalisateur qui n’aime pas les enfants, les chiens et la montagne... mais pas pour moi."
La montagne est souvent capricieuse, n’a-t-il pas été trop difficile d’y tourner ?
On a eu beaucoup de chance car la météo a été excessivement mauvaise et capricieuse. Or comme chacun le sait, il n’y a rien de plus moche qu’un grand ciel bleu (sourire). Cela nous a posé des difficultés incommensurables mais ça nous a apporté des lumières, dans le film, absolument extraordinaires. La montagne, comme la météo, il ne fallait pas la subir. Il fallait faire preuve de patience, d’humilité car c’est elle qui décide. Si vous l’appréhendez ainsi, elle vous donne beaucoup et on a connu des instants magiques durant le tournage.
Et avez-vous rencontrez des difficultés majeures ?
Je ne sais pas. Une grosse tempête de neige n’est pas un drame car je sais que la montagne est comme ça, de même qu’un chien turbulent qui se met à semer le trouble ou qu’un enfant qui manque de concentration et retarde le tournage. Ce film aurait pu être un cauchemar pour un réalisateur qui n’aime pas les enfants, les chiens et la montagne mais pas pour moi. Aucun moment ne m’a marqué négativement. Nous n’avons fait que nous adapter quand on a essuyé des tempêtes de neige, quand il a fait très froid, qu’on a eu de la brume.
Félix Bossuet © Eric Travers / RADAR FILMS - EPITHÈTE FILMS - GAUMONT - M6 FILMS - RHÔNE-ALPES CINEMA
Est-ce difficile de faire accepter à des comédiens de jouer dans de telles conditions climatiques ?
Il ne faut surtout pas les convaincre ! Surtout pas ! Il faut qu’ils expriment, eux-mêmes, une profonde envie de le faire parce sinon on ne peut pas obtenir d’eux ce qu’on va leur demander par -20°, -30°, -40° dans les montagnes. Il ne faut donc pas les convaincre. C’est plutôt à eux de me convaincre qu’ils veulent faire partie de mon aventure.
Après ce long tournage, vous partez le 20 décembre en expédition de la côte Pacifique au lac Baïkal, soit 5 000 km à travers la Sibérie seul avec vos chiens de traineau. Pourquoi entreprendre un tel périple ?
J’ai envie, tout simplement, de renouer avec ce que j’aime le plus au monde. Me retrouver avec mes chiens, mon traineau dans les immensités blanches. Pour moi, c’est le rêve le plus absolu, c’est le plaisir qui me guide, qui me donne envie d’aller là-bas. Ce plaisir sera encore plus fort quand dans quelques jours, je retrouverai mon attelage au départ de cette belle aventure.
Ce périple va vous prendre plusieurs mois, quand vous reverra-t-on derrière une caméra ? Avez-vous des projets ?
Là, je suis parti pour 3 à 4 mois puisque j’estime mon retour vers avril ; mais après, j’ai l’intention d’adapter un roman que j’ai écrit sur la ruée vers l’or en Alaska et qui s’appelle L’or sous la neige. Ce sera encore un film compliqué avec de la neige, des chiens, de l’aventure mais avec une très belle histoire et de très grands comédiens.
Pouvez-vous nous citer quelques noms ?
Non (Rires). Je peux juste vous dire qu’ils sont connus de tous.
Héros de la série "Belle et Sébastien" dans les années 1960, Medhi retrouve l’univers qui l’a révélé devant la caméra de Nicolas Vanier. A 57 ans, l’acteur raconte ces retrouvailles et son émouvant passage de témoin.
Vous incarniez le petit Sébastien dans la série originale, comment avez-vous vécu vos retrouvailles avec cet univers si familier ?
Mehdi : C’était très émouvant. Le producteur du film m’a appelé et donné rendez-vous au Café de Flores pour me demander ce que je pensais de l’idée d’un remake de Belle et Sébastien, sachant que ma mère (Cécile Aubry, morte en 2010, ndlr), elle, y était totalement opposée. Moi, c’était le contraire. Je trouvais ça formidable que les nouvelles générations découvrent Belle et Sébastien. Ensuite, Nicolas Vanier (le réalisateur, ndlr) m’a rassuré dans la mesure où sa démarche était extrêmement sincère et qu’il était fan de la série. J’ai senti quelqu’un qui ne voulait pas trahir la série, tout en améliorant l’ensemble avec des images sublimes et cette idée de transposer l’histoire pendant la Guerre de 1940 (Seconde Guerre mondiale entre 1939 et 1945, ndlr) qui donne de la dramaturgie et une humanité incroyables aux personnages. Il en a fait des héros.
Pourquoi votre mère était opposée au projet ?
C’est le problème des auteurs, qui ont ce côté exclusif. Elle estimait que la série était assez réussie et elle se demandait l’intérêt de devoir faire un remake. Par ailleurs, elle acceptait mal qu’un autre enfant, autre que son propre fils, joue Sébastien.
Votre mère étant décédé depuis plus de 3 ans, à quand remonte la genèse même du film ?
C’est un projet complexe. Ils ont mis près de 2 ans pour ficeler le projet et Nicolas (Vanier) a tourné sur trois saisons différentes. C’est un film lourd qui a demandé beaucoup de préparation. Il fallait trouver le chien, le dresser, trouver également le petit… Il y avait beaucoup de paramètres à prendre en compte.
"J’ai essayé de donner du corps à André, ce forestier un peu rustique, de lui donner une humanité, une espèce de gentillesse bourrue."
Est-ce l’un des films les plus compliqués où vous ayez tourné ?
Oui, à cause des conditions climatiques et du fait que tous les matins, les équipes devaient monter le matériel sur des pentes très abruptes. Après, la série Belle et Sébastien n’était pas facile à faire non plus, voire même plus compliquée car on n’avait pas les mêmes équipements, le confort et les règles de travail n’étaient pas les mêmes. Moi, par exemple, je travaillais 8 à 9 heures par jour alors que Félix (Bossuet) ne dépassait jamais les 4 heures.
Nicolas Vanier, Félix Bossuet © Eric Travers / RADAR FILMS - EPITHÈTE FILMS - GAUMONT - M6 FILMS - RHÔNE-ALPES CINEMA
Qu’attendiez-vous de ce tournage, à titre personnel ?
Nicolas m’avait proposé une participation, donc un petit rôle. C’était le deal et finalement, je trouve que ce petit rôle est devenu assez présent. Pour ma part, j’ai essayé de donner du corps à André, ce forestier un peu rustique, de lui donner une humanité, une espèce de gentillesse bourrue. Puis, ce qui a été très sympa, c’est cette scène avec le petit, la rencontre entre le vieux Sébastien et le jeune. C’était comme un passage de relais. Pour toute une frange de la population qui a connu la série, c’est émouvant de voir 50 ans après le même personnage donner la réplique à son jeune remplaçant.
Quel genre de relation avez-vous eu avec Félix Bossuet, justement ?
Nous n’avons pas beaucoup joué ensemble et nous n’avons pas pu nouer une grande complicité mais le peu qu’on s’est côtoyés, nous avons eu un vrai rapport de comédien à comédien. Félix est très cartésien, toujours droit dans ses bottes, il savait ce qu’il avait à faire, tout l’inverse de moi à son âge qui était plus bordélique et instinctif. Je n’ai pas trop voulu l’ennuyer car il n’aime pas qu’on soit sur son dos. Je ne me suis pas permis de lui donner des conseils, j’ai simplement essayé d’être proche de lui.
Revenons-en au personnage d’André, vous retrouvez-vous en lui ?
Absolument. J’ai vécu des années, mes plus belles, à la campagne dans le Cantal, or c’est une région sauvage et rustique. Cette expérience m’a beaucoup apporté pour incarner ce personnage au grand cœur. A travers lui, je rends un peu hommage à ces gens que j’ai croisés et avec qui j’ai vécu dans cette région. J’ai un grand respect pour ces gens de la campagne, ces gens vrais qui ont les pieds bien sur terre aux préoccupations saines. Je me sens vraiment proche d’eux.
Vous n’avez passé que 10 jours sur le tournage, quels souvenirs en gardez-vous ?
Sans conteste, cette scène avec le petit m’a marqué d’autant que j’avais très mal au dos à ce moment-là avec notamment ce tas de bois que je tractais et dont j’ai mis une semaine à m’en remettre. Si j’avais un regret à formuler, ce serait cette scène qu’ils ont coupée au montage et pour laquelle ils m’avaient fait venir 3 jours dans la neige.
Ces souvenirs de tournage d’ailleurs, vous les avez compilés dans un livre qui sort en même temps que le film…
C’est un peu le making-of de ma vie et surtout des anecdotes concernant l’envers du décor. Pour vous donner un exemple, j’ai eu la chance de tourner avec Romy Schneider (Un amour de pluie), à 18 ans, et tous les soirs nous nous retrouvions avec toute l’équipe pour boire des coups. Un soir, alors qu’il y avait la musique, je suis allé l’inviter à danser, en me disant que peut-être si ça se passe bien, je l’emmènerai après (sourire). Evidemment, je me suis pris un râteau mémorable.
Propos recueillis par Christopher Buet
Ajouter un commentaire