Belle et Sébastien © Eric Travers | 2013 RADAR FILMS - EPITHÈTE FILMS - GAUMONT - M6 FILMS - RHÔNE-ALPES CINEMA

Né à Istanbul, Tchéky Karyo entreprend des études de comptabilité et de gestion mais s’aperçoit très vite qu’il s’est trompé de voie. Il décide alors de suivre des cours d’art dramatique au Théâtre Daniel Sorano, puis il intègre le Théâtre National de Strasbourg. En 1982, il apparaît pour la première fois au cinéma dans Toute une nuit de Chantal Akerman. La même année, il est nommé au César du Meilleur espoir masculin pour son interprétation dans La Balance de Bob Swaim.

Connu pour ses rôles violents – un truand dans Le Marginal (1983) de Jacques Deray ou un assassin dans L’Amour braque (1985) de Zulawski – mais également pour ses personnages plus nuancés comme Rémi dans Les Nuits de la pleine lune (1984) d’Eric Rohmer, ou encore Étienne de Bourbon dans Le Moine et la sorcière (1987), Tchéky Karyo se fait particulièrement remarquer pour sa formidable prestation dans L’Ours (1988) de Jean-Jacques Annaud. Son rôle de mentor dans Nikita (1990) de Luc Besson, puis son rôle dans Jeanne d’Arc du même réalisateur, en 1999, ont également marqué les esprits.

Fort de sa notoriété en France, il décide d’entamer une carrière internationale. Il joue notamment aux côtés de Gérard Depardieu dans 1492 : Christophe Colomb (1992) de Ridley Scott, puis donne la réplique à Will Smith et Martin Lawrence dans Bad boys (1995) de Michael Bay. Plus tard, on le retrouve face à Vincent Cassel et Monica Bellucci dans Dobermann (1997) de Jan Kounen, Babel (1999) de Gérard Pullicino ainsi que dans Le Roi danse (2000) de Gérard Corbiau ou encore The Patriot, Le Chemin de la Liberté (2000) de Roland Emmerich, avec Mel Gibson. Il va jusqu’à Montréal où il tourne avec Angelina Jolie dans le polar Taking lives, destins violés (2004), et, de retour en Europe il décroche un rôle dans Un Long dimanche de fiançailles (2004) de Jean-Pierre Jeunet.

En 2009, il incarne un chef de guerre dans la série télévisée Kaamelott, d’Alexandre Astier. On l’a vu récemment dans Les Lyonnais d’Olivier Marchal aux côtés de Gérard Lanvin et dans Jappeloup de Christian Duguay.

Entretien avec Tchéky Karyo

Quelle a été votre réaction quand on vous a proposé ce projet ?

Au départ, je me suis dit « moi qui me sens comme un jeune homme de 30 ans, je vais devoir jouer un grand-père ». Et dans le même temps, j’ai senti que ce rôle, au fond, était le bienvenu puisque je suis moi-même grand-père d’un petit garçon de l’âge de Sébastien! J’ai pris conscience qu’il était temps d’assumer ce passage et qu’il s’agissait d’une belle opportunité de le faire à travers un film qui rendait hommage à une série-culte des années 60.

Qu’est-ce qui vous a plu et touché dans le scénario ?

D’abord, j’ai trouvé intéressant que l’intrigue soit transposée pendant la Seconde Guerre Mondiale: le scénario montre avec finesse que tous les Français n’ont pas été collabos et ne sont pas restés prostrés et passifs et qu’il y a aussi eu des Allemands, y compris au sein de l’armée, qui n’adhéraient pas au nazisme. Mais ce qui m’a surtout touché, c’est que tout est vu à travers le regard de l’enfant. D’autre part, j’ai été sensible au personnage de César, cet homme rude et taiseux, qui vit à travers la nature et qui a un rapport privilégié avec l’enfant à qui il cherche à donner une éducation pragmatique: César a beaucoup d’affection pour le petit qu’il n’exprime pas forcément par des gestes mais plutôt dans son apprentissage et dans les regards qu’il porte sur lui. Pour lui, l’éducation passe par la maîtrise de l’environnement et par l’apprentissage du respect: on aime la montagne parce qu’elle est belle et on la respecte aussi parce qu’elle peut être dangereuse. J’avais aussi la conviction qu’avec Nicolas Vanier, on serait en harmonie avec la montagne.

Étiez-vous sensible à l’univers de Nicolas Vanier ?

Je connaissais son engagement et je savais qu’il était passionné par les chiens, surtout les chiens de traîneau. Je savais qu’il avait vécu des aventures extraordinaires dans la nature, joyeuses et passionnantes, qu’à travers ses périples, il se souciait de la préserver et que la montrer, dans sa beauté et sa violence, lui tenait à cœur. Quand nous avons tourné au printemps, j’ai eu l’impression que cette montagne, pour ainsi dire, nous prenait dans les bras mais qu’elle pouvait aussi se révéler violente et dangereuse.

Comment avez-vous vécu ce tournage en pleine montagne ?

Je trouve remarquable que Nicolas ait décidé de tourner en France et de ce fait faire découvrir la Haute-Maurienne. J’avais d’ailleurs moi-même découvert la région quand j’avais 7 ou 8 ans, alors qu’on était venu aider des paysans à reconstruire des murs avec mon père. J’ai un souvenir magnifique de cet épisode de mon enfance : quand on est petit, on est plus près de la terre et de la végétation et on éprouve une très forte communion avec la nature. Je trouve que le film restitue merveilleusement ce sentiment.
Pour autant, quand on doit marcher dans la neige où l’on s’enfonce jusqu’aux genoux par – 25°, c’est assez difficile! Mais cela participe à la réalité du personnage qu’on est censé interpréter: la nature nous provoque et, d’une certaine manière, nous donne des indications. C’est pour cela que Nicolas avait besoin d’être en pleine montagne.

Belle et Sébastien © Eric Travers | 2013 RADAR FILMS - EPITHÈTE FILMS - GAUMONT - M6 FILMS - RHÔNE-ALPES CINEMA

Belle et Sébastien © Eric Travers | 2013 RADAR FILMS – EPITHÈTE FILMS – GAUMONT – M6 FILMS – RHÔNE-ALPES CINEMA

Comment avez-vous abordé votre personnage ?

J’ai essayé d’être le plus naturel possible, d’être le plus moi-même possible, pour faire résonner des silences et pour habiter des silences car César est un taiseux d’une très grande pudeur. J’ai donc cherché à être dans la justesse et la sobriété, en faisant confiance au regard du metteur en scène.

Qu’avez-vous pensé du petit Félix ?

C’est un petit garçon brillant qui me fait penser à un personnage de manga! Ses parents viennent du spectacle et il a donc grandi dans un formidable environnement artistique. J’ai toujours aimé jouer avec les enfants ou les animaux car même si c’est réputé pour être plus difficile, le rapport avec eux oblige à être dans l’instinct, la spontanéité et l’écoute absolue. J’ai aimé ce rapport avec Félix, sans arrière-pensée, ni calcul. C’est aussi comme cela que le personnage de César s’est mis à exister: il a fallu que je me fasse « apprivoiser » par lui et inversement.

Pourquoi César se méfie-t-il de la « bête », comme les villageois ?

Je pense qu’il n’a pas de certitude en la matière. Mais comme plusieurs moutons sont tués et qu’on ne voit pas les loups, il met en doute la parole du petit. Quand il menace de tuer le chien, et que Sébastien se met en travers de sa route pour protéger l’animal, il est de plus en plus ébranlé dans ses convictions, jusqu’à ce qu’il comprenne que le petit est en parfaite osmose avec Belle. J’ai beaucoup aimé le fait que l’enfant lui fasse la leçon, comme dans « L’ours », où l’animal faisait la leçon au personnage.

Parlez-moi de la direction d’acteur de Nicolas Vanier.

Comme toujours, si l’on est d’accord sur les situations qu’on doit tourner, le rapport avec le réalisateur est très simple. Comme Nicolas a passé beaucoup de temps seul dans la nature et qu’il a un rapport pragmatique avec elle, sa direction est toujours liée à son instinct : il avait une manière intuitive et gracieuse de nous diriger.

Belle et Sébastien © Eric Travers | 2013 RADAR FILMS - EPITHÈTE FILMS - GAUMONT - M6 FILMS - RHÔNE-ALPES CINEMA

Belle et Sébastien © Eric Travers | 2013 RADAR FILMS – EPITHÈTE FILMS – GAUMONT – M6 FILMS – RHÔNE-ALPES CINEMA

Qu’avez-vous ressenti en découvrant le film ?

Je dois dire que j’ai été cueilli! Le film est émouvant sans jamais être larmoyant. Car même s’il s’adresse à un large public, il n’y a jamais de pathos. En voyant « Belle et Sébastien », on redevient un enfant, d’autant que tout est vu à travers le regard du petit garçon. C’est d’autant plus marquant pour moi que j’ai grandi dans les années 50, et que l’environnement dans lequel se déroule le film est presque le même que celui de mon enfance…