Séries d'antan - Belle que j'aime tant

Nicolas Vanier a provisoirement délaissé les étendues enneigées du Grand Nord. Depuis la mi-juin, l’aventurier tourne Belle et Sébastien dans la Haute-Maurienne, un film inspiré de la série télévisée des années soixante et qui sortira dans les salles à Noël 2013. « L’idée, c’est de raconter un e nouvelle histoire, tout en gardant les personnages, le décor et les fondame ntaux. Mais je souhaite aller au-delà, restituer la beauté et la féerie des Alpes. Les spectateurs doivent voir ce qu’ils ne voient pas quand ils viennent ici : la vie des hommes et des animaux dans la montagne, au fil des saisons », confiait récemment le réalisateur de Loup et Le dernier trappeur, qui a transposé l’action durant la Seconde Guerre mondiale. Agé aujourd’hui de 56 ans, Mehdi El Glaoui fera une brève apparition en guise de clin d’œil à ce feuilleton qui le révéla en 1965. Mais sa mère Cécile Aubry, scénariste et réalisatrice de Belle et Sébastien, ne pourra juger du résultat : elle est décédée en juillet 2010, à l’âge de 81 ans.

C’est de l’autre côté de la caméra que cette fille de bonne famille fit ses premiers pas au cinéma, après avoir un temps rêvé d’une carrière de danseuse. En 1949, Henri-George Clouzot lui confie le rôle principal de Manon, adapté du roman de l’abbé Prévost, qui obtient le Lion d’Or à la Mostra de Venise. On la retrouve en photo à la une de Life. Puis à Hollywood, où elle signe avec la Twentieth Century Fox un contrat qui lui vaudra de partager avec Tyrone Power et Orson Welles l’affiche de La rose noire d’Henry Hathaway. Et, lors du tournage au Maroc, de rencontrer Si Brahim El Glaoui, fils aîné du pacha de Marrakech. Coup de foudre immédiat et mariage dans le plus grand secret. « J’ai vécu dans une espèce de clandestinité, sans me montrer. Je mentais à tout le monde, c’était très éprouvant », confiera-t-elle des années plus tard.

Après six années de vie commune, Cécile Aubry rentre en France avec Mehdi, né en 1956, et se lance dans la littérature pour enfants. Sa première source d’inspiration ? Le poney qui gambade dans le jardin du Moulin Bleu, pour le bonheur de son fils. Il deviendra Poly et sera le héros d’une quinzaine de livres publiés dans la Bibliothèque Rose et de presque autant de séries télévisées. Car dès 1961, Cécile Aubry se lance dans l’adaptation des aventures de ce petit Shetland frondeur à la crinière blonde. Et elle offre à son fils le rôle de Pascal, l’ami de Poly, dans les treize épisodes de la série initiale.

Les bambins craquent, leurs parents en redemandent. Mais Mehdi grandit trop vite pour rester le partenaire de Poly. Qu’à cela ne tienne ! Cécile Aubry imagine avec Belle et Sébastien une nouvelle histoire d’amitié entre un gamin et un chien. Et avec la montagne comme décor majestueux. Orphelin de naissance, Sébastien a été recueilli par César, un vieux berger qui l’a élevé avec Jean et Angelina, ses deux petits-enfants. Belle est née le même jour que Sébastien et a connu plusieurs maîtres, avant de se retrouver dans un chenil. Le garçonnet taciturne rêve d’un compagnon à quatre pattes pour égayer son existence. Ce sera cette grande chienne de montagne des Pyrénées, aussi blanche que sauvage. « Belle, tu es si belle qu’en te voyant, je t’ai aimée. Belle que j’aime tant, depuis longtemps, je t’attendais », chante en guise de générique Isabelle Aubret, qui a remporté le Grand Prix Eurovision de la Chanson en 1962 avec Un premier amour.

Le tournage a lieu dans la vallée de la Vésubie, aux portes du futur Parc national du Mercantour. A proximité des eaux de la Gordolasque, un abri de berger devient le refuge du Grand Baou. Le vétéran Edmond Beauchamp, qui débuta sa carrière à l’époque du cinéma muet, incarne César. Face à lui, Dominique Blondeau et Paloma Matta – qui deviendra par la suite… sage– femme après avoir épousé le comédien François Chaumette – interprètent ses petits-enfants. Et Mehdi, avec sa moue qu’il ne quitte que pour de rares sourires, le jeune orphelin obnubilé par cette chienne blanche dont il va faire sa compagne de jeu sous le regard bienveillant de César.

Le premier épisode est diffusé le dimanche 26 septembre 1965. Douze autres suivront pour raconter une histoire pleine de péripéties, où il est question de faire passer en Italie un microfilm dissimulé dans le collier de Belle. Et où la montagne, bien que filmée en noir et blanc, est somptueuse. Devant le succès de Belle et Sébastien, Cécile Aubry se remet au travail. Elle écrit et tourne Sébastien parmi les hommes (1968), où le jeune garçon retrouve son père, et Sébastien et la Mary-Morgane (1970), où il rencontre un vieil oncle armateur joué par Charles Vanel. Le chien Yalov a remplacé Flanker dans le rôle de Belle. Mehdi, lui, demeure fidèle au poste. On le retrouvera encore dans le rôle-titre du Jeune Fabre (1973) – toujours écrit et réalisé par sa mère – face à une débutante nommée… Véronique Jannot. Depuis, la future assistante sociale Joëlle Mazart de la série télévisée Pause-café a fait son chemin, se partageant entre théâtre, cinéma, télévision et chanson. Et Mehdi a poursuivi une carrière bien plus discrète des deux côtés de la caméra, malgré un César du meilleur court-métrage de fiction pour Première classe en 1985.