Pour Mehdi, l'enfance c'est fini !
Le 04/02/1973
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Transcription de l'article
MEHDI, sa mère, Cécile Aubry, et sa grand-mère habitent toujours Le Moulin Bleu, près de Dourdan, avec les poneys, le chien et les chats. Mehdi a, maintenant, seize ans et ses préférences vont aux disques pop, à la moto, au judo, qu'il pratique depuis six ans (il est ceinture marron).Assis sur un fauteuil bas, dans la grande salle du moulin, il écoute sa mère parler de lui et de son feuilleton. 'Le Jeune Fabre', dit-elle, c'est une nouvelle histoire qui n'a plus rien à voir avec la série des 'Sébastien'. Il fallait que Mehdi sortit de son personnage, car c'est un vrai comédien. C'est la première histoire d'amour d'un adolescent. Jérôme Fabre se trouve dans une situation familiale un peu à part. Il est le fils d'un peintre de talent, peintre maudit qui l'a élevé seul parce que sa mère l'a abandonné à sa naissance. C'est un fait divers qui m'a donné l'idée de cette histoire. Elle est arrivée à un de mes amis.
Une vie personnelle
» Abandonné à lui-même, quand Jérôme rencontre une Jeune fille il s'attache à elle comme si elle était à la fois sa sœur et sa mère. Ce garçon, qui vit hors de la vie familiale classique, cherche à se créer un bonheur personnel. » Mehdi a su bien traduire cette situation car, divorcée, c'est moi qui l'ai élevé, seule. Les enfants qui vivent hors du noyau familial classique ne sont pas, pour cela, complexés ou malheureux, mais cela les force à se créer une indépendance et une vie personnelle plus tôt que les autres enfants. C'est ce qui s'est produit pour Mehdi. A cela s'ajoute qu'il a fait du cinéma tout petit, ce qui l'a différencié des autres enfants. Il va en classe comme eux, mais, quand il tourne, il est en contact avec l'équipe du film, ce qui l'a obligé à mûrir plus vite. C'est par hasard qu'il s'est trouvé pris dans cet engrenage. Depuis mon enfance. J'ai inventé des histoires. Celles que J'ai écrites ne sont pas toujours pour les enfants, mais ce sont les seules que j'ai publiées et on m'a, maintenant, collé une étiquette. Cette étiquette, on l'avait aussi donnée à Dickens parce qu'il y avait toujours des enfants dans ses histoires. » Ce qui m'Intéresse le plus, c'est de décrire un enfant qui se trouve dans une situation un peu anormale. C'était déjà le cas dans < Sébastien >. La série a été regardée autant par les adultes que par les enfants. J'avais fait éditer des albums illustrés pour les enfants et réalisé un petit film d'amateur ; on m'a demandé alors une série enfantine à la télévision. Il y avait un rôle de petit garçon, je l'ai donné à Mehdi et, comme i1 était doué, i1 a continué. Maintenant, en raison du succès qu'il a obtenu au fur et à mesure des feuilletons, on me demande d'écrire spécialement pour lui. Mais Je souhaite qu'à seize ans, il tourne avec d'autres, pour savoir s'il doit déclarer forfait ou continuer à faire ce métier. Car, Jusqu'à présent, il n'a pas travaillé en professionnel. Les tournages n'ont eu lieu que tous les deux ou trois ans, et toujours pendant les vacances. Ça l'a, jusqu'à présent, amusé, mais iI envisage peut-être autre chose. » Pour ma part. J'ai trouvé, pendant le tournage de l'été dernier, qu'il avait gagné en maturité et en profondeur. Il sera, s'il le veut, un acteur très intuitif et en même temps intérieur. » Mehdi, moins loquace que sa mère, raconte cependant ce qu'a été son expérience de jeune comédien : « Cette fois-ci, dit-il, c'est totalement différent. Quand j'ai tourné les derniers « Sébastien », j'avais douze ans. J'en avais quinze l'été dernier quand nous avons fait « Le Jeune Fabre ». On commence à me considérer un peu moins comme un gamin et on m'a laissé livré un peu plus à moi-même. D'autre part, j'ai compris nettement mieux la signification de cette histoire que celle des autres. Et j'y ai pris plus de plaisir — un plaisir un peu gâché parce qu'on a demandé à ma mère une suite. Je n'aime pas les suites. Cela m'oblige à rester dans un personnage bien défini. Je me sens étiqueté, alors que je voudrais tourner, chaque fois, un personnage différent. De mes premiers films, je ne me souviens presque pas. J'avais quatre ans pour les « Poly »; pour « Sébastien » j'avais six ans. Pour « Belle et Sébastien », j'ai le souvenir d'avoir assez souffert en tournant dans la neige.
Trente-six filles
« Sébastien », au contraire, me laisse un souvenir heureux de vacances. Ma hantise, si je deviens comédien, ce sera le théâtre. Ma mère m'a fait suivre, l'année dernière, des cours chez Simon, parce que, dit-elle, il faut, dans ce métier, être prêt à toute éventualité, mais ça ne m'a rien apporté, sinon un trac paralysant. » Cécile Aubry intervient : « Le métier de comédien est un métier de touche à tout. Il faut connaître plusieurs langues. Je n'ai fait du cinéma, moi-même, que pendant trois ans et, durant ce temps, j'ai tourné en anglais, en italien et en allemand. » « J'aimerais, reprend Mehdi, devenir metteur en scène. Je vais faire ma première expérience en filmant, en juin, les marcheurs de la course Paris-Strasbourg. On va me prêter une caméra 16 millimètres. J'ai déjà préparé un reportage écrit. Je ferai cela avec des camarades dont l'un est journaliste. En attendant, je suis, sans enthousiasme mais par nécessité, des cours au lycée de Dourdan. Je suis seul garçon, en seconde, dans une classe de trente-six filles.
Sauvé par le judo
» Aussi, J'ai assez peu d'amis, sauf quelques anciens qui viennent de temps en temps, me voir de Paris, le dimanche. Je me sens, ici, assez solitaire et je m'ennuie profondément. J'ai été, pendant trois ans, pensionnaire dans un lycée de Rueil; J'étais allergique au pensionnat. J'ai besoin de ma liberté et de pouvoir revenir le soir tranquillement chez moi. Je pense que les enfants qu'on laisse plus de trois ans en pension sont perdus. Ce qui me sauve, c'est le judo, que je pratique depuis six ans pour mon équilibre et, surtout, pour mon plaisir. C'est peut-être la seule discipline dont je ne pourrais pas me passer. Je ne vais que rarement au cinéma et pas du tout au théâtre. Je suis aussi mal à l'aise dans la salle que je le serais sur la scène. » Mehdi va, sans enthousiasme, refaire du cheval. « C'est, dit sa mère, pour qu'il garde sa forme, c'était un très bon cavalier, mais depuis que son cheval préféré s'est tué dans un concours hippique, il faut le forcer à monter. » Elle explique, ainsi, la nostalgie de Mehdi : « Ce n'est pas drôle pour lui de retomber dans sa classe de filles après avoir vécu, cet été, une vie d'homme entouré d'adultes. Je crois que cette expérience l'a mûri. Le petit garçon qu'il était, expansif et rigolard, est en train de devenir un adolescent assez secret. Je le sens encore très enfantin, mais à l'aube de sa vie d'adulte. Et cela me paraît quelquefois dur.»
—CENT-SOIXANTE MILLIONS — « Le Jeune Fabre » a été tourné» l'été dernier, en trois mois et demi, à Montmartre et dans les environs de Dourdan. Le feuilleton comporte treize épisodes, d'une demi-heure chacun. Les six heures de film ont coûté cent soixante millions. « J'ai appris, dit Cécile Aubry, à écrire en fonction du budget dont je dispose. Je dépasse quelquefois un temps; je ne dépasse jamais mon budget. »
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