Belle et Sébastien

Belle et Sébastien

Entretien avec Christian Duguay (réalisateur)

Du 08/04/2016 au 20/04/2016

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  • Comme au cinéma

Comment vous êtes-vous engagé dans cette aventure ?

C'est l'aventure qui est venue vers moi ! Je ne savais même pas qu'un premier volet avait été tourné quand Bertrand de Labbey, mon agent, m'a dit que les producteurs du film voulaient me rencontrer. J'ai donc vu Frédéric Brillon et Clément Miserez : ils ont été très enthousiastes lorsque je leur ai dit à quel point cette série m'avait habité étant jeune. J'ai découvert ces épisodes il y a cinquante ans alors que j'étais enfant à Montréal. Plus tard, j'ai eu envie d'appeler mon fils Sébastien en souvenir de cette série qui m'avait tant fait rêver !

Les producteurs cherchaient un réalisateur car Nicolas Vanier était occupé sur un autre projet et ils ont pensé que ce serait une bonne chose d'avoir une nouvelle approche tout en restant fidèle à l'univers existant. Ce qui m'a beaucoup touché dans le premier film, c'est cette ode à la nature et ce rapport de pureté entre les êtres humains et leur environnement mais aussi la révélation sensible de la psychologie du petit garçon incarné par Félix Bossuet. Après avoir découvert le film, je me suis interrogé sur ce que j'allais pouvoir apporter...

Qu'est-ce qui vous a séduit dans le scénario ?

Les producteurs m'ont d'abord fait lire un traitement dont la ligne dramatique était très claire. J'ai été séduit par la relation entre le petit garçon et son père. Je me suis focalisé sur cette notion de lien filial très fort, en jouant la double perspective - celle de Pierre et celle de Sébastien – et j'ai axé le développement sur cet enjeu. J'ai aussi été sensible à l'évolution des rapports entre Sébastien et le chien. Enfin, l'épisode du sauvetage d'Angélina et l'intervention de Sébastien constituaient un moment fort et touchant. C'est une équation qui me plaisait et je me suis lancé avec bonheur et plaisir dans cette aventure !

Comment s'est passée votre collaboration avec les scénaristes Juliette Sales et Fabien Suarez ?

La rencontre avec Juliette et Fabien a constitué ma première vraie source d'inspiration. Ils m'ont permis de nourrir mes réflexions, d'aller plus loin dans les détails et dans la finesse des dialogues et, enfin, de trouver une façon unique de raconter cette histoire. Nous avons beaucoup échangé sur les rapports entre Sébastien et son père car c'est le fil conducteur du film. Nous sommes devenus très complices. 
Juliette et Fabien possèdent une grande sensibilité qui leur a permis de trouver le juste ton et d'imaginer des scènes qui suscitent l'émotion sans tomber dans le pathos : ils sont parvenus à jongler avec l'aventure, les rebondissements, l'émotion et l'humour. Autant dire que pour un réalisateur, c'est jubilatoire de travailler à partir d'un matériau d'une telle richesse.

Pour vous, quel était l'arc des personnages principaux ?

Dans ce deuxième volet, Sébastien a mûri mais il est toujours aussi fougueux et intrépide. Quant à César, il est plus attaché à Sébastien que jamais. Comment doit-il se positionner quand le père de Sébastien revient alors qu'il a abandonné l'enfant et sa mère dans la neige ? Doit-il protéger Sébastien de son père ? La construction scénaristique amène ce personnage énigmatique, qu'on découvre peu à peu, à jouer un rôle-clé. 

Comment vous êtes-vous approprié les personnages et le scénario ?

Comme il y avait un premier volet, il fallait que je prenne le relais et que je reste fidèle aux personnages existants. D'une certaine manière, je suis venu me jumeler avec les auteurs, ce qui a constitué une phase déterminante. Par chance, nous nous sommes rejoints sur le plan dramaturgique. 

Pour mieux entrer dans cet univers, j'ai demandé à visionner tous les rushes du premier opus : je voulais comprendre comment Nicolas avait si adroitement transposé cette histoire mythique pour parvenir à toucher autant de gens. J'ai donc demandé à avoir le projet du montage du film et tous les jours je regardais les scènes, prise après prise, pour mieux cerner le travail effectué avec les chiens et les comédiens. Cela m'a permis de découvrir Félix et d'apercevoir l'acteur mais aussi l'enfant qu'il est pour mieux tisser un lien avec lui sur le tournage. J'ai été attentif aux directives d'Andrew Simpson, le coordinateur animalier, qui savait toujours comment obtenir la bonne réaction des chiens sans entraver le jeu de Félix. 
Je crois que pour diriger un deuxième épisode, il faut connaître et étudier tout ce qui s'est passé avant. C'est grâce à ce travail de préparation que j'ai réussi à emmener les personnages ailleurs et à poursuivre l'aventure. 

Vous aviez déjà tourné avec Tchéky Karyo…

Je l'avais rencontré sur Jappeloup et j'avais hâte d'approfondir cette relation sur un nouveau projet. Sa générosité m'a permis dès le début d'aller chercher l'âme de Félix, de casser la glace et d'entrer directement dans la matière. C'est aussi cela la grandeur d'un comédien : savoir transmettre et partager.
Je trouve que Tchéky est un acteur admirable. Même s'il n'est pas présent tout au long du film, il a un rôle essentiel : il apparaît à l'écran dans des scènes charnières qui ont un grand impact émotionnel. Il est extraordinaire tant par sa retenue et sa douceur dans les échanges que par la profondeur humaine qu'il incarne.

Parlez-moi de votre rencontre avec Thierry Neuvic.

Ma rencontre avec Thierry Neuvic a été très singulière tant sur le plan professionnel qu'humain. C'est un homme avec qui on a immédiatement envie de rester ami jusqu'à la fin de sa vie. Il dégage une sensation de vérité, d'authenticité, de force. Il correspond tout à fait au personnage héroïque et protecteur qu'on découvre dans le film. Thierry est aussi un véritable aventurier comme on n'en a pas vu depuis longtemps. J'imagine que la naissance de son premier enfant pendant le tournage du film a contribué à lui donner autant d'effervescence et de luminosité. Félix a visiblement ressenti cette présence solaire : ils étaient comme deux aimants et leur relation avait quelque chose de magique. 

Avez-vous eu du mal à "apprivoiser" le petit Félix ?

Comme je le disais plus tôt, pendant la préparation j'ai visionné les prises de Nicolas Vanier, ce qui m'a permis d'avoir une première approche de Félix. C'est vraiment à ce stade que j'ai pu comprendre qui il était, la manière dont Nicolas l'avait dirigé précédemment et sa propre façon de répondre aux directives. Forcément, je me posais des questions sur nos futurs rapports...

Je me souviens qu'un jour où je me trouvais avec les scénaristes, Félix et sa mère, le petit garçon m’a regardé droit dans les yeux en me dévisageant, sans broncher. J'avais remarqué sa maturité saisissante et son regard perçant qui s'interrogeait sur la suite des événements. Au final, nous avons eu un contact extraordinaire et j'ai vu le personnage s'épanouir et s'illuminer grâce à lui. De toute ma carrière, je n'ai jamais rencontré un acteur aussi jeune qui donne autant d'éclat et de facettes authentiques à son rôle. Grâce à lui, ce film d'aventure est devenu une expérience intime.

Qu'avez-vous pensé des seconds rôles ?

J'ai eu le privilège de rejoindre une équipe de comédiens déjà en place, avec la mission de les amener à développer leur talent sur ce deuxième opus. Urbain Cancelier m'a transporté par les couleurs de sa personnalité et par son sourire ; Margaux Chatelier m'a séduit par sa pureté, sa chaleur et sa présence solaire ; Thylane Blondeau s'est révélée une belle découverte : elle a su jouer de sa beauté fracassante tout en gardant une ambivalence troublante entre l'enfance et la femme en devenir. Grâce à elle, le personnage de Gabriele donne un vrai sens à la quête identitaire de Sébastien. 

On a le sentiment que les décors guident l'action.

À partir du crash d'avion qui provoque un feu de forêt et qui force Angélina à se réfugier dans une grotte en altitude, une formidable ligne d'aventure s'esquissait, de vraies questions se posaient et des obstacles surgissaient. On a donc élaboré une carte des lieux pour qu'on puisse expliquer où est la montagne, où se déclare le feu et où se trouve le site du crash. Il fallait que la forêt suscite au départ de l'angoisse et on a trouvé une nature un peu moussue, inquiétante et enivrante. 
En décryptant la géographie des lieux, on comprenait qu'il y avait un épicentre et qu'il s'agissait de traverser le feu de forêt pour rejoindre Angélina : il y a toujours une logique aux scènes d'action. 

Comment s'est déroulé le tournage ?

On a eu beaucoup de chance pendant le tournage ! Cette belle aventure aurait facilement pu vaciller et virer au cauchemar car on tournait des scènes complexes dans des conditions extrêmes, entre séquences aériennes et feux de forêt. Nous tournions aussi avec des animaux imprévisibles et des enfants qu'on ne pouvait faire jouer que 3 à 4 heures par jour. Finalement, tous les éléments se sont conjugués en notre faveur. Même la météo nous a suivis jour après jour, comme si elle était au courant du plan de travail et des impératifs auxquels nous étions confrontés ! Surtout, l'équipe s'est donnée corps et âme, avec un extraordinaire professionnalisme et une immense générosité.

Les plans aériens sont saisissants.

On a tourné avec un avion suspendu pour les scènes acrobatiques. Puis j'ai collaboré avec un réalisateur 2ème équipe, Didier Lafond, qui a une grande expérience des plans aériens. Pour les vols où on voit des avions d'époque, il y avait un hélicoptère qui suivait l'appareil en toute sécurité. La difficulté consistait à réussir à capter le bon moment au tournage. 

Comment s'est passé le tournage avec les chiens ?

On a utilisé plusieurs chiens des "Montagnes des Pyrénées", une race ancienne de chiens de bergers. Ils ont gardé leur instinct naturel et leur lenteur innée. Du coup, il fallait les motiver pendant les scènes avec des morceaux de viande. Il y avait d'abord Bear, qui était le plus petit, mais qui avait une tête magnifique pour les plans serrés, dégageant une grande douceur communicative. Le deuxième, nommé Fort, était plus grand et arborait une présence physique incroyable. C'était aussi le plus calme pour jouer les scènes de feu ou d'autres cascades. Fripon, comme son nom l'indique, avait la figure un peu fripée mais il était capable de vraies prouesses comme par exemple la scène où il doit rattraper la médaille de Sébastien. Enfin, Garfield réunissait les qualités des trois autres mais était aussi le plus imprévisible. C'est lui qui a incarné Belle dans le premier volet.

Et avec les autres animaux ?

Sous la tutelle d'Andrew Simpson, toute une équipe française a coordonné une petite ménagerie comprenant des loups, des sangliers, des biches et des renards mais aussi un ours et des rapaces ! Inutile de dire à quel point ces scènes ont été complexes à mettre en place mais la contribution des animaux a été essentielle pour donner un souffle naturel et véridique au film.

Quelles étaient vos priorités pour la mise en scène ?

Je cadre moi-même tous mes films au Steadicam ou à la grue et je privilégie le rapport des comédiens avec la caméra. Les prises sont différentes à chaque fois et le processus reste interactif. C'est une approche qui m'autorise une certaine fluidité si bien que je peux construire une chorégraphie des plans qui offre un dynamisme global au film.

Christophe Graillot, mon directeur de la photo, a vite accepté ma méthode de travail sans se sentir frustré de ne pas faire le cadre. Il s'est consacré à peaufiner l'image en faisant ressortir toute sa sensibilité. Avec Karim El Katari, l'étalonneur, ils ont réussi à créer une sensation de velouté - la plus proche possible de l'argentique - comme j'en ai rarement vu dans les prises de vues numériques. 

Ma rencontre avec Olivier Gajan, le monteur du film, a été percutante. Il fallait trouver la bonne personne qui saisisse mon style de réalisation et qui cherche la continuité de cette approche enclenchée au tournage. Avec Olivier, nous n'avons jamais remis en question les premières maquettes de montage mais avons cherché à recentrer les émotions et à donner du rythme au film. C'est précieux d'avoir un échange aussi précis qui permet de ne jamais faire de faux pas dans la construction du film.

La musique et la palette sonore possèdent une ampleur romanesque qui accompagne les personnages dans leur parcours.

La musique et la trame sonore ont été imaginées par Armand Amar. Je trouve que la mélodie apporte un vrai souffle et du panache au film. La grande force de ce compositeur réside dans le sens inné qu'il a de l'harmonie musicale, ce qui permet au public de s'attacher aux personnages et de s'investir dans les lieux. Il sait créer des émotions sans surligner les scènes. 

Vos producteurs se sont-ils beaucoup investis dans la fabrication du film ?

Clément Miserez, Matthieu Warter, Frédéric Brillion, Gilles Legrand et bien sûr Sidonie Dumas m’ont donné des ailes, de la confiance et un support constant. J'ai eu un rapport privilégié avec Clément Miserez et Philippe Gautier, mon directeur de production : une véritable complicité s'est instaurée entre nous, comme si on se connaissait déjà depuis longtemps. Ce triangle décisionnel a été le point fort d'une production complexe où on ne pouvait pas se permettre de faux-pas.

Interview réalisée et publiée par Comme au cinéma.com

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